
À Goma, dans l’est de la République Démocratique du Congo, la guerre a transformé le quotidien des jeunes femmes en un combat de chaque instant. Depuis la prise de la ville le 27 janvier 2025, suivie de celle de Bukavu le 15 février, les pillages, les déplacements massifs, et les risques de violences sexuelles ont bouleversé les moyens de subsistance. Dans ce contexte de crise humanitaire, où plus de 700 000 personnes ont été déplacées en quelques mois, les jeunes femmes se battent non seulement pour survivre, mais aussi pour reconstruire leur avenir.
L’Association JIWE LANGU (Ndlr : ma pierre), fidèle à sa mission de bâtir un monde où l’auto-prise en charge est la norme, accompagne ces héroïnes du quotidien à travers des initiatives d’autonomisation économique et des séances de détraumatisation, leur permettant de se relever face à la violence. Un contexte de crise où le boulot devient un acte de résistance dans la ville touristique, le travail des jeunes femmes est un défi constant. Les marchés, comme celui de Virunga, ont été pillés, les routes sont devenues dangereuses, et les opportunités d’emploi formel se sont raréfiées avec la fermeture d’entreprises locales. Les femmes, souvent cheffes de famille, doivent jongler avec les responsabilités domestiques tout en affrontant la peur des agressions. Selon les Nations Unies, les violences sexuelles avaient augmenté dans les anciens camps de déplacés comme Bulengo et Rusayo, où JIWE LANGU intervenait. Pourtant, ces femmes refusent de se résigner. Elles cousent, vendent des produits artisanaux, ou cultivent des lopins de terre malgré l’insécurité. Leur travail, dans ce contexte, est un acte de résistance, une affirmation de dignité face à la guerre.

L’autonomisation économique un tremplin pour l’indépendance…
Depuis sa création en 2014, JIWE LANGU place l’autonomisation des jeunes femmes au cœur de ses actions. En 2024, malgré un contexte sécuritaire volatile, l’association a organisé des initiatives clés pour renforcer leurs capacités économiques. L’atelier sur les coopératives artisanales, tenu les 15 et 16 novembre 2024, a formé 10 femmes et leur a fourni des matières premières à coût réduit, leur permettant de produire des vêtements et des bijoux pour le marché local.
De même, l’atelier sur la gestion avancée des micro-entreprises, le 15 février 2024, a outillé 60 femmes commerçantes avec des kits (cahiers, calculatrices) et des compétences en comptabilité et marketing. Ces formations, souvent accompagnées de microcrédits, ont permis à des femmes comme Aline, une mère célibataire de 28 ans, de lancer une petite boutique des savons localement fabriqués dans le quartier Ndosho. « Malgré les pillages, je continue à vendre. JIWE LANGU m’a appris à gérer mon commerce et à croire en moi », témoigne-t-elle.
Depuis 2025, JIWE LANGU intensifie ses efforts à travers son Plan d’Action. L’objectif 2, axé sur le genre et l’autonomisation, prévoit la mise en place d’un fonds de microcrédit de 3 000 USD pour 150 femmes et jeunes, ainsi que trois sessions de formation en gestion financière. « Ces initiatives visent à créer 50 micro-entreprises opérationnelles, offrant une alternative économique aux jeunes femmes déplacées ou victimes de violence », indique la coordination. En complément, l’organisation planifie des foires artisanales pour commercialiser leurs produits, renforçant ainsi leur indépendance financière dans un contexte où les opportunités sont rares.

La détraumatisation, guérir pour se reconstruire…
Au-delà de l’autonomisation économique, JIWE LANGU reconnaît que la guerre laisse des cicatrices invisibles. Les jeunes femmes de Goma, qu’elles soient déplacées ou survivantes de violences, portent le poids de traumatismes qui entravent leur capacité à travailler et à s’épanouir. Pour répondre à ce défi, l’association intègre des séances de détraumatisation dans ses programmes, offrant un espace sûr pour guérir et se reconstruire.
En 2024, un atelier marquant sur la résilience psychologique, organisé les 10 et 11 décembre dans le camp de Bulengo, a formé 60 femmes et jeunes déplacés avec l’appui de psychologues experts en gestion du trauma. Ces sessions ont permis aux participantes, comme Furaha, une survivante de violence sexuelle, de partager leurs expériences et d’apprendre des techniques pour gérer l’anxiété et la peur. « Avant, je ne pouvais pas dormir à cause des souvenirs. Les séances m’ont aidée à retrouver du courage pour travailler et prendre soin de mes enfants », confie-t-elle.
JIWE LANGU a également formé des leaders communautaires pour assurer un suivi psychologique à long terme, renforçant la résilience collective. « Pour 2025, l’association prévoit d’intensifier ces efforts dans le cadre de son objectif 3 (justice transitionnelle) et objectif 6 (consolidation de la paix). Des dialogues communautaires, planifiés pour accueillir 1 000 participants, incluront des composantes de soutien psychologique, tandis que des sessions régulières avec des psychologues seront organisées dans les camps. Ces initiatives visent à aider les jeunes femmes à surmonter leur traumatisme, leur permettant de se réengager pleinement dans des activités économiques et sociales ».
Journée internationale du travail, appel à la solidarité…
En ce 1er Mai, Journée internationale du travail, JIWE LANGU célèbre la force des jeunes femmes de Goma, qui, malgré la guerre, continuent de travailler, d’innover, et de rêver. « Leur résilience est une leçon pour nous tous. Le travail, même dans les conditions les plus extrêmes, est un pilier de dignité et d’espoir. Cependant, elles ne peuvent y arriver seules. L’association appelle à une solidarité accrue pour soutenir ces femmes courageuses. Nous invitons les partenaires, donateurs, et la communauté internationale à financer les programmes d’autonomisation car les microcrédits et les foires artisanales peuvent transformer des vies », fait savoir Diavy Kubuya son coordonnateur. Pour lui, soutenir les initiatives de détraumatisation avec des sessions de soutien psychologique sont essentielles pour guérir les blessures de la guerre.
JIWE LANGU plaide pour la paix considérant « qu’une fin durable au conflit est la clé pour permettre aux femmes de travailler en sécurité ».
À Goma, chaque jeune femme qui coud, vend, ou cultive est une bâtisseuse de l’avenir, posant sa pierre à l’édifice d’une société plus juste, comme le symbolise le nom JIWE LANGU (Ndlr : ma pierre).
« En cette Journée du travail, honorons leur lutte en amplifiant leur voix et en soutenant leur combat pour l’autonomie et la résilience. Ensemble, voyons grand et réalisons leur potentiel », conclut Diavy Kubuya.